Analyse de la Boss BD2

D'un boost sale à une disto bien punk. Je vois toujours pas où est le blues là-dedans !


Salut et bienvenue dans cette toute première, et longue, analyse de circuit; celui de la Boss BD2 ! Lancée en 1995, son succès est indéniable. Conçue pour produire un son "proche" de celui d'un amplificateur à lampes, comme 95% des overdrives sur le marché, cette pédale est certainement mon boost "crade" préféré. C'est clairement une grosse overdrive, mais très polyvalente et avec sa propre personnalité. C'est aussi une des pédales d'effet les plus dynamique que j'ai pu testé, saturant l'attaque des notes. Dans cet article, je veux vraiment vous amener à comprendre le schéma de cette pédale de façon à ce que vous puissiez la modifier si vous le souhaitez. Le schéma original peut être retrouvé sur le site Experimentalists Anonymous, mais je ne l'utiliserai pas puisqu'il montre bien plus que ce que je souhaite analyser.

 Boss utilise des transistors JFET pour son buffer bypass. Je ne décrirai pas le fonctionnement de ce type de bypass, peut être dans un autre article ! En attendant, l'explication (en anglais) se trouve ici. Le schéma que je présente n'incluera donc pas les JFETs utilisés pour activer l'effet, mais prendra malgré tout en compte les suiveurs de tension qui sont nécessaires pour les faire fonctionner. Etudions l'alimentation d'abord.

 

L'entrée 9V pour une pile ou une alimentation Boss est à gauche. D7 est une diode placée en sens inverse de façon à protéger le circuit en court-circuitant l'alimentation si jamais celle-ci n'a pas la bonne polarité. C25 filtre l'alimentation une première fois. Le circuit composé de R31, C26 et Q5 est un multiplicateur de capacité. Le transistor fait apparaitre le condensateur C26 comme ayant une capacité (β+1) fois plus grande, avec β le gain en courant du transistor. The circuit permet de violemment filtrer la tension d'alimentation pour avoir le moins de bruit possible, mais a le défaut de perdre environ 1V de tension à cause du transistor. C27 permet de filtrer une troisième fois l'alimentation. R32 et R33 forment un pont diviseur de tension pour générer une tension de référence à 4V. Celle-ci est ensuite reprise par l'opamp afin de permettre une meilleure stabilité lorsque plus de courant est nécessaire. Après tous ces filtres, l'alimentation devrait vraiment être silencieuse !

 Examinons le circuit audio maintenant. A vrai dire, il est bien loin de la plupart des circuits d'overdrive du marché, plutôt complexe même ! J'ai préféré séparé le schéma en deux parties afin de mieux pouvoir le suivre

Voilà la première partie du schéma, quel bazar ! On retrouve nos alimentations 8V et 4V en haut à gauche, l'entrée guitare est représentée par le générateur V1. Le signal passe par R1 et C1 pour se retrouver dans le suiveur de tension à JFET J1. La résistance R2 sert à polariser le transistor pour le faire fonctionner correctement, C1 empêche cette tension continue de remonter dans la guitare. Le circuit possède un gain proche de 1, mais a une très forte impédance d'entrée, pratique pour une guitare, tout en offrant une faible impédance de sortie. R4 polarise le JFET J2. J2 et J3 forment une paire différentielle, et avec le transistor Q1, un amplificateur opérationnel très basique. le signal en sortie passe par un réseau composé de la première piste du potentiomètre de gain, des résistances R8, R9, des condensateurs C5, C4. Ce circuit permet de gérer le gain de cet étage en appliquant un retour du signal de sortie sur l'entrée inverseuse du circuit (grille de J3). Plus on augmente le gain, plus la résistance en série avec R8 augmente, donc plus il est difficile au signal de sortie de retourner dans J3. Ainsi, il y a moins de retour dans le circuit, et donc un plus grand gain. C4 et C3 sont ici pour stabiliser le circuit, à cause de son fort gain, pour éviter les oscillations.

Voilà la réponse en fréquence du suiveur de tension et du premier étage de gain, lorsqu'on fait varier le potentiomètre de gain.

L'étage suivant est un jeu de résistances et condensateurs... Qui forment en fait une section d'égalisation d'ampli style "Fender", mais dont les contrôles sont figés. Un maximum de basse, un minimum d'aigus et de mediums ! Baisser la valeur de R12 réduira la quantité de basse, alors qu'augmenter R11 rajoutera des aigus. Prendre le signal de sortie sur l'autre patte de R13 donnera un maximum d'aigus, mais la pédale n'en a pas vraiment besoin ! On peut aussi remplacer R11, R12 et R13 par des potentiomètres pour gérer l'égalisation avant saturation. Voilà la réponse en fréquence de ce filtre.

Et maintenant, la réponse en fréquence de tout le circuit jusqu'à cet égaliseur fixe. Le gain est au maximum. La section d'égalisation a une faible impédance d'entrée, et charge donc l'étage de gain qui le précède, ce qui explique en partie la forme un peu étrange qu'on obtient. Même avec les basses à fond, on a quand même pas mal d'aigus !

Les diodes D1 à D4 saturent le signal et limitent le niveau de sortie. Mettre une seule paire de diode tête-bêche donnera une saturation plus violente, ou bien on peut les remplacer par des LEDs ou n'importe quelle autre combinaison de diode pour générer une saturation asymétrique. Le signal passe ensuite dans le reste du circuit.

A nouveau, le signal passe dans un deuxième opamp discret dont le gain est contrôlé par la deuxième piste du potentiomètre de gain. les potentiomètres GAIN1 et GAIN2 partagent en fait le même axe et varient donc en même temps. A cause du très fort gain de cette pédale, la majorité de la saturation se créer en fait dans ce deuxième opamp, qui n'est pas capable de produire un signal plus grand que 8V ou plus faible que 0V - saturation donc, qui produit beaucoup d'harmoniques. A gain plus faible, ce sont les diodes du premier étage qui satureront. A cause de cette caractéristique, la pédale est souvent décrite comme dynamique, car si le signal n'est pas assez fort, il peut traverser la pédale sans grande distorsion, alors que les didoes et les opamps discrets satureront à fort gain. La saturation est répartie sur l'ensemble de la pédale, comme dans un ampli à lampe - bien qu'elle n'en ait pas du tout le son ! Voilà la réponse en fréquence en sortie du deuxième étage de gain, en faisant varier les deux pistes du potentiomètre GAIN1 et GAIN2 en même temps. En-dessous, la forme de la saturation générée. Le signal sinusoïdal bleu qu'on voit en fond est le signal d'entrée, 50mV d'amplitude.

Le signal est presque transformé en signal carré ! Les résistances et condensateurs en sortie du deuxième étage de gain crééent un filtre passe-bas contrôlé par le potentiomètre de tonalité, suivi du potentiomètre de volume. La tonalité change la forme de la saturation et arrondi les angles du bords du signal lorsqu'on la baisse. Quand le gain est au maximum, on obtient la réponse en fréquence et la saturation suivante en faisant varier le potentiomètre de tonalité.

 A la suite de ces derniers contrôles, on retrouve un filtre en cloche utilisant, cette fois-ci un opamp intégré. Les diodes D5 et D6 protègent simplement les entrées et ne font pas partie de la saturation de la pédale. Le drôle de circuit utilisant le transistor Q3 est en fait un gyrateur, qui transforme le condensateur C22 en une "inductance virtuelle" de valeur C22*R26*R25, environ 3H, avec une résistance série de 1k2. Cette inductance simulée forme un filtre coupe-bande avec C21, mais puisque ce filtre se retrouve dans la boucle de retour de notre opamp, cela signifie qu'il faudra plus de niveau de sortie autour de ces fréquences. Cela résulte en un filtre en cloche, dont la forme est la suivante.

Le dernier transistor est juste un suiveur de tension, qui abaisse l'impédance de sortie de la pédale. La réponse en fréquence de l'intégralité du circuit avec un réglage de tonalité de 50% et le gain à 100% est donné juste en-dessous. On remarque bien l'influence du filtre en cloche. En changeant C21, C22, R25 et R26, on modifie la largeur et la fréquence de ce filtre.

Enfin, on a retracé l'intégralité du signal au travers de cette pédale - et sans équation mathématique ! En regardant uniquement les structures qu'on rencontre, on peut comprendre où va le signal de notre instrument, les modifications qu'il subit et l'influence des composants utilisés. Alors, on peut facilement modifier leur valeur pour changer le son que produira la pédale, ou bien les simuler pour voir réellement ce que cela changera. J'utilise Microcap 12, qui est gratuit, pour les simulations.

La Boss BD2 est réellement une des pédales de Boss les plus capricieuses que je connaisse ! Clairement pas la pédale la plus transparente, elle a son propre caractère et en regardant la complexité du circuit on comprend pourquoi. Rien à voir comparé aux classiques Tube Screamer ou MXR Distorsion +, la BD2 utilise une combinaison d'opamp discrets à JFET et de filtres pour donner cette distorsion dynamique si caractéristique, jusqu'à ce qu'on monte le gain et qu'on atteigne une fuzz !

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